La Pastorale à Aspet
La Pastorale à Aspet
Il s’agit ici de relater quelques impressions, incomplètes, de la Pastorale se déroulant dans le petit village d’Aspet les 13 et 14 mai. Incomplète, car votre narrateur n’a assisté à cette manifestation qu’à partir du samedi après-midi. Un des 15 cémécistes présents ce weekend pourra prendre le relais.
Après la visite d’un petit marché tenu par de jeunes artisans locaux proposant des produits du terroir (miel, confitures, fromages, ouvrages en laine et poils de chien…) l’assistance était conviée à écouter une conférence sur le chien de protection des troupeaux de brebis, en l’occurrence : le Patou.
Ne croyez pas que derrière ce terme aux douces consonances se cache un gentil toutou, peut-être au départ quand il n’était que chien des Pyrénées, mais avec tout un protocole d’imprégnation les éleveurs l’ont transformé en machine de guerre… contre les prédateurs que sont les ours, loups, renards, chiens errants et randonneurs trop curieux. Les conférenciers, des professionnels, ont réussi à nous captiver et à faire en sorte que nous regardions ces auxiliaires des bergers avec plus de respect et de bienveillance.
Après avoir observé le travail du berger aidé par son border collie et son Patou, ce fut l’heure de l’apéro. Il semblerait que dans cette région montagneuse, la cacahuète et autres gourmandises apéritives ne soient pas encore arrivées. Avec le ticket nous avions droit à une consommation pour certain(e)s ce n’était pas suffisant, il faut dire qu’un verre à la main délie les langues et permet de faire passer le temps, mais les estomacs criaient famine. La mise en place du banquet fut un peu longue et quelque peu improvisée mais au final des « musiciens/ambianceurs » et la qualité du repas ont fait que nous sommes restés sur une bonne bouche.
Hélas, le programme du lendemain, l’ascension du Cagire (1 920 m) ne nous permettait pas de veiller tard, nous sommes partis vers nos quartiers de nuit sans avoir écouté l’orchestre programmé. Dommage.
Sept heures le dimanche matin, nous sommes réveillés par la pluie qui tambourine sur le toit de notre caravane de location. Mauvais présage pour la balade. Il n’en est rien, le ciel bleu apparait juste après le petit déjeuner.
Il faut du désir pour entreprendre ce dialogue avec la montagne. Certains sembleraient en manquer, espérons que c’est passager. La mode du moment voudrait qu’au lieu d’être contre il vaut mieux faire avec et pourquoi pas construire un encourageant nous pour cette partenaire. J’ai même entendu le terme de passion. La montagne, surtout dans ses beaux atours avec le soleil, provoquerait la passion et une certaine addiction. Tant mieux !
Au début, il faut de la douceur, la pente est plutôt soutenue au départ, elle ne se livre pas comme ça, facilement. Ne pas s’énerver, écouter son cœur, son corps, car il est bien connu que : l’on ne commande à la nature qu’en lui obéissant (F. Bacon 1561-1626). Les premiers efforts produits, un peu de repos s’impose, et c’est près de la cabane de Juzet, haletant, que nous reprenons notre souffle sans lâcher l’objectif, l’arrivée au septième ciel, le sommet.
Reprise de la relation. Les jumeaux, les quadriceps sont tumescents. Ça gonfle de partout, le sang afflue dans les membres locomoteurs. Ça mouille aussi de partout, la rosée et la transpiration, qui est un vecteur de phéromones que cela soit dit en passant, nous rafraichissent en s’évaporant. Le pied, ne pas oublier de bien le dérouler, le terrain est fort glissant, il y a eu des chutes, donc bien prendre son pied avoir l’impression, dans sa tête de bien l’enfoncer, l’ancrer dans la montagne, bien à fond pour ne pas tomber et être obligé de s’arrêter, non, continuer, pas de relâche, même à petits pas mais continuer l’effort et si possible avec plaisir.
Pour ne pas s’asphyxier, nous évitons les dialogues. Ils ont leur place au début mais pas dans l’effort, quelques petits signes d’encouragements courts envers nos huit amis randonneurs, sous forme de vocalisations, suffiront. Avoir toujours en tête l’acmé de la sortie. Heureusement le sentier se poursuit avec des lacets, nous sortons de la partie boisée, la moitié du parcours est fait, le soleil nous réchauffe et nous encourage, se souvenir que ces événements sont les plus merveilleux et agréables que nous puissions expérimenter, ça aide.
Nous voilà au col, une pancarte nous indique une arrivée proche, déjà nous jouissons de la vue d’un merveilleux paysage. D’un côté, la plaine avec ses villages, ses rondeurs de piémont souvent érigées de croix, ses bois profonds et noirs dans les talwegs. On devine qu’ils exhalent de bonnes odeurs de printemps. De l’autre, un superbe panorama sur la montagne sauvage couronnée de nuages.
Nous surfons sur les crêtes pour faire durer le plaisir et notre délectation. Au cairn sommital, nous atteignons un apogée voluptueux. Mais attention, la montagne peut se révéler sournoise. Juste à côté du sommet il y a un gros trou tout noir, que dis-je un gouffre dont on estime la profondeur car le fond n’apparait pas, une sorte d’enfer seulement fréquenté par des choucas virtuoses. Nous pouvons nous y perdre corps et âme. Attention de ne pas y déraper, les confondre par temps de brouillard réel ou mental, une sorte d’ivresse d’altitude. Nous pourrions nous faire mal sans tomber (MST ça irait plus vite à écrire) bien profondément.
Les muscles en particulier les abducteurs, les adducteurs sont turgescents, le séducteur flaccide. Il est midi, l’heure du déjeuner approche. Nous cherchons un petit plateau pour nous reposer à l’abri du vent et déguster notre encas.
La descente est peu enthousiasmante. Pour s’encourager, nous pensons déjà à d’autres conquêtes. On peut aussi suggérer à ceux qui n’ont pas vécu cette jouissance ou qui ont oublié de quoi il retourne de s’imaginer la mise en branle de tout un système neurochimique de récompense ou système hédonique jusqu’à la libération d’opioïdes naturels ou autres liquides…
J’allais oublier, vu un couple de Fleunecus à lunettes de la famille des canidés mais option bipède de montagne. Malgré la légendaire prudence du Fennec, nous avons pu brièvement les observer in situ. De notoriété, comme le loup son cousin, l’albatros ou encore le gibbon si proche de nous, celui-ci est très fidèle tout au long de sa vie, une même femelle et c’est tout. Nous avons pu relever quelques signes confortant cette qualité de l’animal. Le Mâle avait l’air de couver, encourager, conseiller sa Femelle pour la préserver des dangers de ce milieu exigeant. Que serait-elle sans lui ?
Pot de l’amitié à Aspet, sans gâteaux, nous étions hors programme.
Merci à Alain pour son idée, aux huit amis randonneurs qui ont parfaitement gravi le sommet. J’espère que François me pardonnera, je n’ai pu résister. À une prochaine et bon vent d’ici là.