Le Rocher de Batail

Le Rocher de Batail

Récemment et cela n’a pu vous échapper, un grand créateur en couture est décédé. Dans un reportage sur sa vie il disait : C’est bien de faire, ce n’est pas intéressant d’avoir fait. Il en est de même pour nos randos au sein du CMC et ces quelques mots ne sont couchés, ici, que pour vous donner l’envie de faire comme nous ou tout au moins je l’espère.

Ce dimanche 24 mars, nous sommes partis du village de Ganac en Ariège à 8h45 pour la grande boucle classique d’environ 19 km jusqu’au Picou (1602 m) en passant par le village de Micou, le sommet de Bazillas et peut-être marcher jusqu’au rocher de Batail.
L’équinoxe du printemps, pour être précis le mercredi 20 mars à 22h58 (en épargnant les secondes), annonçait les beaux jours : 

Timide le printemps

Fait le tour du jardin

Sans franchir la porte

Taka Hama Kyoshi

Et il était tentant d’aller le surprendre dans ses prémices en montagne. Malgré la journée qui s’y prêtait par la douceur prévue, un beau ciel couleur azur permettant de porter notre regard au loin, la neige illuminant la chaine Pyrénéenne en direction du sud, ne pouvant qu’enchanter notre balade, nous ne sommes que 5 cémécistes dont 3 dames sur le parking de Colomiers à 7h30. Cette randonnée, assez sélective de par ses 1100 mètres de dénivelé et sa longueur de 19 km, pouvaient refroidir les plus courageux (ses).

Une heure plus tard, nous sommes à Ganac (560 m) point de départ de notre boucle. Ce village a connu sa gloire dans l’ancien temps car en 1772, cinq martinets alimentaient 16 boutiques à clous qui employaient encore 150 personnes en 1864. Maintenant c’est en Chine qu’on les fabrique.

Nous empruntons une piste piétinée par les sabots des moutons. Elle nous mène jusqu’au hameau de Micou, puis un chemin qui devient sentier. Il semble ancien car creusé ici et là par les nombreux passages d’hommes avec leurs bestiaux. L’herbe est encore jaune, brulée par le froid de l’hiver et la neige qui la recouvrait. Les arbres n’ont pas encore leurs feuilles, à peine quelques timides bourgeons. Et l’on peut constater, à la manière de Kamei Shiyü :

Dans ce village qu’emportent
Les clameurs du dégel
Le printemps se fait tard

 

Le sentier se poursuit et passe à côté du Cap Blanc. Au loin, parmi les ombres, apparait le château de Monségur. Puis nous traversons des tourbières où poussent des massifs de houx, divers arbres dont des pins accueillants surtout en été ; ils doivent abriter les troupeaux du soleil.

Maintenant, nous montons tout doucement, les dames devant et les messieurs fermant la marche Nous arrivons à la cabane de Bladas dans la vallée de Barguillère. Belle cabane en pierres mais privée et fermée.

La petite route (D421) autorisée aux véhicules à moteur se termine au Pla de Peyre (1389 m). Bien sûr de nombreuses voitures y sont garées. La notion d’effort se perd.

Arrivés sur la crête (1540 m), nous y resterons un bout de temps !!!! Pour admirer le grandiose paysage. Nous pouvons contempler sur notre gauche la montagne dans sa meringue blanche, la vallée de Tarascon noyée dans une légère brume, au loin le Saint Barthelemy.

Grandiose aussi sur notre droite la plaine de Foix. Notre regard se perd au loin vers l’est et distingue de nombreux villages. Nous apercevons aussi la Montagne de Plantaurel qui nous laisse deviner sa falaise au sud, blanche et régulière. Nous piqueniquons au rocher de Bazillac (1458 m) mais un vent froid nous déloge rapidement.

Cependant nous pouvons observer le vide animal. Même pas un téméraire insecte qui s’aventure à ces altitudes. Pas étonnant quand l’on sait que 80 % de ceux-ci ont disparu en Europe. En plus des pesticides, nous participons quelquefois à sa perte. Jules Michelet remarquait déjà en 1857 : Sous sa cuirasse de guerre, il demeure impénétrable. Son cœur (car il en a un) bat-il à la manière du mien ? Provisoirement on le tue. Il est si petit d’ailleurs, qu’avec lui, on n’est pas tenu d’être juste. Enfin…

Nous poursuivons sur cette crête, magnifique promontoire. Nous rencontrons des groupes de randonneurs qui ont fait le choix de rallier le Pla de Peyres puis le Roc de Batail. Comme nous ils ont choisi de se laisser émerveiller. Après une montée, entre roches et gyspet, nous traversons un petit névé et nous voilà rendus à la cote 1636 m dans le prolongement du Picou (1602 m).

Par raison et vu l’heure, je décide d’abandonner l’accès au Rocher de Batail (1716 m) bien que le cheminement soit sans danger, absence de névés !! Nous nous jetons plein nord, dans la descente vers Ganac en suivant les traces, sur une herbe rase, laissées par les passages de nombreux groupes qui ont emprunté ce cheminement. Puis « La cabane de l’homme mort », aussi triste que son nom car sale et en mauvais état. 

Enfin passage au col de Calmil (1113 m), dernière étape avant de rentrer dans les bois. Nous suivons des chemins, sentiers ancestraux, qui je pense, permettaient à de nombreux villageois d’accéder aux estives. Les arbres, anciens eux aussi, ont subis les aléas du dur climat des montagnes : branches brisées, troncs renversés.

Nous voilà presque arrivés, nous traversons Carigas et rejoignons la voiture à Ganac. Pot de l’amitié à Foix, un grand merci à tous pour l’ambiance et la convivialité.