Le Tourroc
Le Tourroc
Non, ami lecteur-trice, malgré l’utilisation pratiquement exclusive des membres inférieurs, le randonneur n’est pas bête comme ses pieds ! Bien sûr, ils sont à l’extrémité inverse du siège de la pensée et par conséquent, ils peuvent être considérés, dans le corps humain, comme le symbole de ce qui est le plus éloigné de l’intelligence, de dignes représentants de la bêtise la plus totale.
Mais le randonneur les estime et apporte beaucoup de soin à ses petits petons. Cela dit où se trouve la marque d’intelligence ? Dans le changement, jeudi soir lors de la réunion, du choix de la sortie. C’est bien connu, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Initialement nous devions gravir les pentes du pic de Céciré (2403 m). Une lecture attentive des bulletins météo de la part de nos organisateurs les fit changer de destination. Par ces temps de canicule, s’exposer sur des crêtes dégarnies pouvait représenter un réel danger d’insolation, de déshydratation, bref d’inconforts certains et même de dangers.
C’est donc, en puisant dans leur vécu, que nos accompagnateurs chevronnés nous proposèrent l’ascension du pic Tourroc (1541 m). L’accès au sommet se fait dans la forêt, donc à l’ombre, avec un chemin des plus confortable. Six participants sous la houlette de Luc se portèrent volontaires pour cette sortie très classique.
Départ du petit village de Sacoué, où nous inaugurons le nouveau parking. Avant, le stationnement était anarchique dans les ruelles du bourg. Ce sommet est assez fréquenté, nous rencontrerons 10 personnes sur le parcours, le parking bien garni prouve son utilité. Bravo, Monsieur le Maire. Rapidement nous passons de l’écoumène à l’érème c’est-à-dire des lieux que les villageois fréquentent au quotidien et ceux où ils s’aventurent plus rarement (Philippe Descola). Ici la forêt gagne, comme en Ariège, sur les prairies anciennement entretenues. Excusez-moi de ces termes savants propres à la géographie, j’ai eu une remontée des pieds vers le cerveau, ça devrait se guérir avec le temps !
La montée n’est pas des plus attrayante, au milieu des arbres, aucune vue, sur les sommets alentours, il faudra attendre les derniers mètres pour s’émerveiller du panorama des sommets émergeant d’une mer de nuages. Nous sommes largement récompensés de nos efforts.
Les 941 mètres de dénivelé se parcoururent pour moitié dans les fines gouttelettes de la brume matinale ce qui avec la transpiration due aux efforts fournis acheva de nous transformer en fontaines ruisselantes. Nous perdions beaucoup d’eau, dans cette atmosphère proche du hammam, de nombreux arrêts de réhydratation furent les bienvenus.
Partis, alors que huit tintements de la cloche de l’église retentissaient, nous atteignons la construction sommitale abritant une superbe table d’orientation et un panneau explicatif de l’importance préhistorique du Tourroc, 3 heures plus tard. S’il est inconfortable de déjeuner après 12 heures, c’est avec plaisir que nous tirons du sac notre en-cas à 11h15.
Petite sieste réparatrice, décryptage des lieux à l’aide des indications dessinées sur la table d’orientation et il est l’heure de redescendre n’ayant rien d’autre de mieux à faire.
Le départ fut laborieux. Au CMC, nous désignons ces épisodes par le verbe : bartasser, c’est-à-dire le fait de sortir des itinéraires normaux, d’avoir des difficultés pour arriver à retrouver son chemin. A travers la forêt, sur les feuilles glissantes et de fortes pentes, le groupe s’égaille pour retrouver le chemin du retour. Nous regardons où nous posons les pieds, les yeux rivés sur les chaussures et soignons nos appuis, rien ne compte que l’instant présent, éviter une chute à tout prix.