L’Etang d’Embizon

L'Etang d'Embizon

C’était le dimanche à ne pas manquer pour une sortie en montagne, le site météo affichait un magnifique soleil tout jaune. Dans l’après-midi son rayonnement se faisait moins intense mais le disque d’or apportait toujours de la chaleur.

Notre premier objectif était l’étang d’Embizon à 2082 m d’altitude. Cette randonnée était une proposition d’une brochure de 1988. Je voulais encore une fois vérifier comment le cheminement avait traversé le temps tout en faisant plaisir à mes camarades du jour.

Entouré de montagnes aux parois rocheuses quelquefois abruptes, celles-ci servant d’entonnoir, nous trouvâmes le lac bien rempli d’eau. Nous avons pris notre piquenique sur ses rives vers 13h ou 14h si on tient compte de l’ancienne heure. Ce fut un vrai régal après les efforts fournis pour enfin arriver à destination.

Vous remarquerez que sans être adepte du nouveau régime du docteur Saldmann qui préconise entre-autre de commencer le repas par le dessert, car le cerveau envoie à l’ensemble du corps le message que le repas est fini ; je le copie en démarrant mon compte-rendu par une bonne bouche. Mais voilà la suite…

Avant l’Embizon, au même niveau, se trouve un étang en voie d’eutrophisation, presque complètement recouvert d’herbes sèches seuls y sillonnent de petits ruisseaux. Il est dominé par une petite cabane de bergers aux volets bleus. Mignonne, elle nous accueillait dans ce cirque minéral un peu austère. Nous nous sommes permis d’y entrer, l’intérieur est soigné et propre : du lambris, un matelas protégé, une cheminée, des ustensiles, des sacs pendus au plafond, enfin tout le confort disponible pour y séjourner et y revenir souvent. Intimidés, nous avons refermé soigneusement la porte en enviant le berger ou certainement la bergère vu la propreté des lieux (!!!).

Et c’est alors que je pensais qu’il était facile de tomber dans « l’idéal de l’huître », c’est-à-dire l’attachement au lieu de naissance, aux anciennes coutumes, la résignation à la dureté d’une vie de berger-ère. Cette société fermée, souvent archaïque est-elle la seule défense contre les nouveautés venues de l’extérieur et que l’on n’est pas préparé à accepter. L’obstination à résister aux obstacles malgré tout, la fidélité à des sentiments simples et à des valeurs anciennes durera-t-elle encore longtemps ? Le progrès rongerait-il ceux qu’il attire, s’ils ne sont pas prêts à le vivre.

Le 2ème objectif était de revenir à notre point de départ par les crêtes. Le groupe de 10 était affalé dans l’herbe, fallait-il demander aux randonneurs-euses de faire encore un effort pour rejoindre les crêtes. Devant la fatigue de certains-es… et la nuit prévue à 17h51, j’ai préféré sagement renoncer et retourner sur nos traces. Le plaisir n’en serait pas affecté.

Nous avons démarré de Colomiers à 6h30 pour arriver aux granges de Savignac (1080 m) à 8h30 et 2° Celsius. Ça, c’est sortir de sa zone de confort ! S’il avait eu la clim dans sa caverne, des tickets resto, un smartphone, il n’est pas certains que l’homme préhistorique se serait lancé dans une périlleuse chasse au mammouth pour se nourrir ! Et bien nous aussi sommes sorti-e-s de notre semi-coma et avons emprunté, en voiture, une petite route goudronnée sinueuse pour, au final pouvoir admirer les jolis paysages ariégeois.

Qui et pourquoi les anciens ont-ils construit cette route, est-ce pour des travaux hydro-électriques ? Pourquoi des granges si loin de la vallée de l’Ariège ? Ma recherche sur internet ne m’a pas apporté de réponses précises… Certainement qu’avant les véhicules à moteur, les mules ont parcouru ces chemins. En ce qui nous concerne, au sein du groupe, personne n’a essayé dans cette phase d’échauffement, d’émuler(*) l’autre.

Puis nous avons paisiblement remonté le ruisseau du NAJAC. Son eau claire dévale et chante en petites cascades, trois petits ponts enjambent le ruisseau pour apparemment ne mener nulle part. 

La vallée est étroite, couverte de noisetiers, de saules, de bouleaux et divers conifères. Des espaces ouverts herbeux, appelés des jasses, sont couverts de givre. De petits chevaux noirs paissent encore, il doit s’agir de chevaux de Merens, réputés très résistants et bien adaptés à ce territoire.

Arrivés au dernier pont dit de RESSEC, nous devons alors suivre un autre ruisseau, le ruisseau d’EMBIZON. Des traces dans le bois de bouleaux nous montrent que des bêtes et/ou des hommes, certainement des pécheurs ou des ramasseurs de champignons, sont passés par là. 

Cette randonnée au fil du temps est devenue peu empruntée, ce qui fait son charme et nous allons devoir nous diriger au mieux à l’aide du GPS voire de la boussole.

À vue et hors sentier mais en restant au plus près du ruisseau, notre fil rouge, nous contournons, enjambons des arbres morts, pour enfin arriver à la jasse de PRADELS, un lieu de pâturage. Nous avons un peu plus de visibilité mais je jette, pour confirmation, un coup d’œil sur la carte pour vérifier la direction. 

Nous traversons le ruisseau d’EMBIZON et continuons dans les bois pour arriver dans une longue vallée sauvage recouverte d’une pelouse montagnarde faite de grosses touffes d’herbes, le gispete ainsi que des rhododendrons dissimulant des roches, des trous, de la terre spongieuse et des bras de ruisseaux. C’est piégeux et certain-e-s d’entre nous chutent, se relèvent avec une petite grimace. Je suis rassurée, rien de bien grave !!!

Encore une jasse. Puis de petits éperons rocheux barrent la vallée. Nous évitons d’escalader et progression au plus facile.

Quelques cairns visibles, bien que je sois certaine de ma direction, me rassurent. D’abord vers le sud, nous nous orientons maintenant vers l’ouest. La pente est un peu plus importante et le cheminement est plus lisible. Un petit arrêt pour reprendre des forces et grimper les derniers 200 m à travers le gispete et nous voilà arrivés.

À 13h45, nous démarrons notre descente. Je nous sens heureux, le lieu sauvage, la pose déjeuner nous ont permis de nous ressourcer. Hélas nous n’avons rencontré ni animaux ni randonneurs-euses.

Nous retournons vers la vallée du NAJAC, en trouvant de nouvelles sentes ou à travers bois. Il est agréable de fouler les feuilles mortes, l’automne est déjà bien installé en montagne. Aie encore une chute, cette fois-ci un peu plus douloureuse, mais avec beaucoup de courage notre amie se relève. Prudence !

Nous voici à la jasse de PRADELS, un petit arrêt pour goûter et vérifier que les 10 randonneurs sont toujours là !!!

Il nous reste plus qu’à terminer notre descente sous les bouleaux et suivre le NAJAC jusqu’à notre point de départ. Certain-e-s se détendent les jambes, nous arrivons aux voitures, il est 17h30. En ce qui me concerne, cette belle journée réveille en moi la muse Érato, patronne de la poésie lyrique car rien n’est plus rare, mais rien n’est plus enchanteur qu’une belle sortie en automne. Le soleil qui, dans ces zones tempérées, se précipite à l’occident, et ne laisse après lui qu’un crépuscule fugitif, rase lentement les sommets de la montagne dont il semble se détacher à regret. Son disque environné de vapeurs rougeâtres roule comme un char enflammé sur les sombres forêts qui couronnent l’horizon.

Nous prendrons notre pot de l’amitié à Tarascon, au café central !!!

Un grand merci à tous-tes et à bientôt sur les chemins.


(*) Émuler est un verbe peu usité et pour en comprendre son sens rien de mieux qu’une citation. Je vous propose celle de Joseph de Maistre (1753-1821) : La femme ne peut être supérieure que comme femme ; mais dès qu’elle veut émuler l’homme, ce n’est qu’un singe et permettez-moi d’ajouter vice et versa. Na !