Aurignac
Aurignac
L’anticyclone couvrant courageusement notre pays, boutant les vilaines dépressions hors de nos frontières, nous offre depuis quelques jours un magnifique temps propice aux randonnées, frais le matin et chaud dans la journée. Sachant notre plaisir à s’égailler dans la montagne ou les piémonts, ce n’est pas une mais deux propositions de sorties que nos gentils organisateurs nous proposaient à la réunion du jeudi soir. Bien sûr elles concernaient des niveaux différents pour satisfaire le plus d’adhérents possible.
Henri Beraldi (1849-1931), célèbre pyrénéiste, les définit de la manière suivante (en italique) :
Niveau deux de haute montagne pour le CMC : « Des hommes [et femmes] de sommets, pour lesquels il n’y a pas de Pyrénées au-dessous de trois mille mètres ; Niveau un : des hommes [et dames] de demi-sommets, recherchant moins la difficulté que le pittoresque de la montagne et la beauté des observatoires [le célèbre magnifique panorama] ; Niveau marcheur : des hommes [et filles d’Ève] qui n’apprécient la montagne que dans les vallées ; – enfin des hommes pour qui les Pyrénées signifient exclusivement casino ou grande douche [catégorie ne figurant pas encore au sein de notre Association, mais j’en connais quelques-uns à qui ce niveau ne déplairait pas] ».
Alain proposait une sortie raquettes en niveau un et Christine une randonnée en niveau marcheur. N’ayant pas le don d’ubiquité, je vous relaterai cette dernière sortie.
C’est une boucle d’une quinzaine de kilomètres que notre guide du jour se proposait d’encadrer avec un départ du village d’Aurignac cité du Nebouzan (1). Ce bourg de 1200 âmes a laissé une trace dans l’histoire préhistorique. Grâce aux trouvailles des fouilles sur sa commune, les chercheurs ont pu définir une culture spécifique à nos ancêtres Homo sapiens, l’Aurignacien.
Treize volontaires, huit dames, un préadolescent et quatre messieurs se trouvaient au rendez-vous habituel à 8h30. Une petite heure plus tard, nous nous équipions sur le parking de la mairie du village. Le soleil illuminait au loin la chaine enneigée des Pyrénées, c’était magnifique. On ne pouvait manquer de s’imaginer le plaisir des nombreux skieurs dévalant les pentes de ses sommets. Nous serions vraisemblablement en moins grand nombre à arpenter les chemins mais notre plaisir de baigner dans une nature plus calme n’en sera pas moins grand.
Un mot cependant sur cette chaîne car hélas, au cours de notre périple, nous ne la verrons plus. Jacques Brel déclinait en latin, rosa, dans un tango éponyme : Rosa rosam rosarum… Permettez-moi d’en faire autant avec : Pyrénées, pyrénéistes, pyrénéisme…
Il n’est pas inintéressant de se pencher un instant sur ce mouvement apparu à la fin du XIXe siècle et en particulier sa définition empruntée à Wikipédia : Si le terme « alpinisme » est devenu synonyme d’exploit sportif, le pyrénéisme s’en est démarqué en considérant l’expérience physique de la montagne comme inséparable de l’émotion esthétique et culturelle. Il va sans dire que j’adhère entièrement à cette définition. Renforçons l’idée par une réflexion de Joseph Ribas (1931/…) pour qui « le pyrénéiste intègre le vivant et le culturel dans le paysage, à ses yeux lieu de rencontre, lieu d’échange ».
Reprenons donc en n’oubliant pas le côté historique et culturel. Que ce soit en direction de Caubeton, vers Sauterne ou encore Cassaret, tous les chemins menant vers ces lieux étaient fort agréables à parcourir hormis certains passages boueux. Nous avons eu la bonne surprise de découvrir les premiers perce-neiges en fleurs et des jonquilles naissantes au milieu de buissons sempervirents (2) et d’autres aux feuillages marcescents (3) dans l’attente des premiers bourgeons.
Ce cheminement bien entretenu et certainement ancestral frôlait des monuments et ruines remarquables : d’anciennes constructions gallo-romaines en particulier les Thermes de Montoulieu-Saint-Bernard, ou Notre-Dame-de-Saint-Bernard rebâtie au XXe siècle, modeste mais très touchant sanctuaire bien visible sur dans les très beaux coteaux du Comminges.
Arrivé à quelques encablures du village, le groupe se sépara en deux sous-groupes. Un désirant regagner au plus vite, pour différents motifs, les voitures, l’autre voulant encore un peu musarder car ils étaient sur le piton (4) comme dirait notre Québécoise.
Un grand merci à tous(tes) pour les nombreux échanges, l’intronisation de Nicole, première participation pour cette nouvelle adhérente, la bonne humeur générale et la compétence de notre guide.
Hélas vu, en pleine nature, des restes de véhicules qui rompent la circularité écologique c’est-à-dire la capacité à recycler toutes formes de déchets et donc à se régénérer.
Difficile aussi de terminer sur une note sucrée, celle des gâteaux à partager car quelle arduité pour trouver un bistro dans les villages une fin de dimanche ! Nous nous retrouvâmes dans un « café » banal situé le long de la double voie. Un endroit où l’on fabrique, en principe, les mauvais souvenirs de retour comme si la décoration des plus standard et sans âme, l’ambiance des gens de passage fatigués par leurs trajets débordaient sur les clients. Nous dégustâmes les gâteaux pendant que notre aimable trésorière répartissait équitablement les frais du co-voiturage. Cela lui posa un petit problème car la somme n’était pas divisible par trois et il a fallu aller jusqu’à la maille pour répartir le dû à chaque voiture. Rassurez-vous, il n’y a pas eu maille (5) à départir.
Heureusement, toute l’énergie positive emmagasinée pendante cette magnifique journée fut un excellent rempart à la morosité engendrée par ce lieu et c’est avec l’envie de recommencer, de se retrouver sur les chemins que l’on se dit au revoir et à bientôt.
(1) Le pays du Nébouzan ou, simplement, le Nébouzan est une région historique de la Gascogne, dans la région Occitanie, à cheval sur les départements des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne. Au Moyen Âge central, le Nébouzan est une vicomté vassale du comté du Comminges.
(2) Plantes dont le feuillage reste toujours vert.
(3) Plantes qui gardent leurs anciennes feuilles séchées jusqu’à l’apparition des nouveaux bourgeons.
(4) Être en forme.
(5) Il se trouve que la maille était la plus petite pièce en circulation de l’époque. Donc, lorsque des personnes devaient se partager ou départir une maille (symbolisant quelque chose sans valeur), cela provoquait inévitablement une querelle, car comment diviser l’indivisible ?