Dolmens et fontaines dans le pays de Vaour

Dolmens et fontaines dans le pays de Vaour

Il est des déplacements qui se suffisent à eux-mêmes. Pensez aux « bikers » qui roulent en Harley sur l’Historic Route 66. Ils se fichent de la destination, Chicago (Illinois) ou Santa Monica (Californie), seul le chevauchement de leurs vibrants bolides les intéressent. Il existe des émissions à la télé dédiées à ces singuliers trajets. Je pense « aux trains pas comme les autres ou aux routes de l’impossible ».

Pour le Cémécistes de base, le trajet est en général un pensum. La destination aussi n’a que peu d’intérêt. Seuls l’itinéraire, à pied et en groupe, sa longueur, son dénivelé et les lieux traversés sont déterminants dans le choix des marcheurs. Christine, notre accompagnatrice du jour, nous propose d’effectuer une boucle de 16,7 km de longueur et 463 m de dénivelé dans le pays de Vaour.

Parcours intérieur/Parcours extérieur
L’important ce n’est pas le but, c’est le chemin.


En ce dimanche, peu prometteur météorologiquement parlant, seulement six courageux se trouvent au rendez-vous sur les huit inscrits jeudi.
Ça continue car, allez savoir pourquoi, mon regard est attiré par le totem de la station-service toute proche, les nombres inscrits en couleurs fluos jouent à la « petite bête », ils grimpent, ils grimpent… heureusement sur la rocade, nous n’avons pas de message concernant la pollution et l’obligation de baisser notre vitesse de 20 km/h.
Par prudence, je lève les yeux vers le ciel et par chance je n’aperçois pas de comète se projetant sur notre TERRE. (Don’t Look Up *). Promis, de toute la journée je ne regarderais que devant, là où se posent mes pieds et :

Un pas à l’endroit, un pas à l’envers
Retisser notre rapport avec le bienséant
Ici et maintenant
Ne pas regarder en l’air.


Mais peut-être vais-je trop loin, il faudrait ouvrir une fenêtre d’OVERTON**, c’est-à-dire délimiter de ce qu’il est convenable de dire dans les minutes d’un compte-rendu, donc en gros, ne pas suggérer des mots comme dénis, climat, prix de l’énergie, court terme…

Fenêtre ouverte
Je n’y vois
Que le présent
.

Si fait. Il ne fait pas chaud sur le petit parking de Vaour. Tout le monde s’équipe rapidement et en silence. À la sortie de l’église, c’est un petit chemin boueux qui s’offre aux six marcheurs. Il est peu confortable de marcher les pieds mouillés, les uns et les autres évitent flaques et fondrières. À cette période de l’année, l’hiver se terminant, le printemps pointant par moment son nez, la nature hésite encore à s’épanouir. Peu de fleurs osent éclore. Quelques timides perce-neige sortent leurs corolles blanches, les ellébores ne sont pas de reste et c’est tout en vert qu’elles émergent des buissons. Les ficaires encore peu nombreuses émaillent de leurs fleurs jaune brillant les prairies humides. Dans les jardins, l’on devine les narcisses et jonquilles prêts à éclore. Les bourgeons commencent à grossir, mais insuffisamment pour verdir les branches noueuses des arbustes. Cette balade, au demeurant très intéressante, arrive un peu tôt, mais je me sens reconnecté à la nature. Elle me parle à la fois à la tête, au cœur et au ventre (notre deuxième cerveau grâce au microbiote). 

D’assez nombreux oiseaux, surtout près des maisons où ils trouvent de la nourriture, cherchent un emplacement pour leur futur nid, chantent pour attire l’âme sœur et délimiter leur territoire. Nous verrons une magnifique couleuvre verte et jaune à peine réveillée et engourdie par le froid. 

Croisé, à la croisée de la D91 et de notre chemin, le dolmen de Vaour. Certainement pas son lieu d’origine, mais toujours intéressant à observer. Des aménageurs ont copié son style et confectionné avec de gros blocs calcaires arrachés au causse, tables et bancs. 
 
Plus authentique car mieux caché est le dolmen du Fourcou situé à une encablure de Roussayrolles.

Le groupe fournit un effort dans la montée menant au hameau de La Peyrière, il est midi, l’heure du repas approche et il est toujours bon d’accomplir le plus pénible l’estomac vide. Pause rapide, un léger crachin breton s’invitant aux agapes. Le café est offert par Domi, Bertrand nous promet des crêpes bretonnes cuites sur son désormais fameux billig. 

Il faut que je parle du troisième principe qui fait que nous sommes encore ici sur terre. Pour ceux qui auraient raté les deux premiers, les voici pour mémoire : manger le plus et le plus rapidement possible, mélanger souvent ses gènes. Ici, il s’agit d’être le Chef, le Dominant, celui ou celle qui a quelque chose en plus par rapport au groupe.

Aujourd’hui c’est Christine qui nous dirige sur le parcours et qui d’une voix rouge***, pour bien se faire comprendre et ne pas bafouer son message, donne ses consignes pour traverser et marcher le long des routes.

N’ayant rien à observer, la brume est au ras des arbres, l’intérêt se recentre sur le groupe multiculturel. Une personne est née à Sao Tome, une autre en Guyane quand un troisième se dit batave. Un seul véhicule parfaitement maitrisé, la langue française et c’est vrai que ce qui nous divise est infiniment moins important que ce qui nous unit. Une fois la curiosité des origines passée, les sujets tournent beaucoup autour de la bouffe et… disons de politique. Mais chut ! j’ai promis de ne plus en parler.

Bref, arrêt dans le village de Peyralade. Vraisemblablement, de riches toulousains y ont restauré, avec goût d’anciennes fermes. Petit goûter. Encore deux kilomètres avant Vaour. La brume tombe et commence à mouiller les sacs, le groupe de niveau homogène allonge les foulées pour rejoindre rapidement les voitures.

Bien sûr, aucun débit de boissons dans ce village. Pour la troisième fois nous irons nous désaltérer à Lisle-sur-Tarn. Un groupe d’une trentaine de marcheurs de Pibrac nous précédait. Bertrand, après accord du tôlier qui nous a favorablement répondu d’une voix de rogomme ****, sort ses crêpes, son sucre et son chocolat en poudre. Un régal qui, si besoin était, rend joyeux le groupe qui s’autoremercie et se souhaite un bon retour. Nous convenons tous qu’il faut, comme aujourd’hui, espérer le meilleur tout en se préparant… à marcher !

 

* Don’t Look Up : film inspiré par le thème de l’actuelle crise climatique dont personne ne se soucie vraiment. À noter : l’inaction de la présidente des États-Unis sous la coupe du puissant créateur d’une grande entreprise technologique (Wikipédia).

** Fenêtre d’Overton : une approche permettant d’identifier les idées définissant le domaine d’acceptabilité (Wikipédia).

*** Voix rouge : pour différencier de la voix blanche qui est une expression pour décrire le fait de parler d’une voix sans timbre, avec une sonorité peu marquée, peu convaincante.

**** Voix de rogomme : voix rauque à cause de l’alcool.

♦ R1 ♦