La Berco Grando

La Berco Grando

Pour le début de l’hiver, Christine, notre guide du jour a choisi une randonnée ensoleillée c’est-à-dire plein est, en direction de la Méditerranée. Le niveau est catalogué 1, il s’agit de parcourir une boucle d’une douzaine de kilomètres et de gravir un dénivelé de 550 m environ, point haut La Berco Grando (761 m). Ce jeudi, lors de la réunion, sept membres s’inscrivent.

Donc, dimanche matin, départ des courageux en direction du village audois d’ARQUES peuplé de 261 âmes et renommé par son château fort du XIIIe siècle.

Une heure quarante minutes plus tard, nous arrivons sur la place de la mairie décorée par des kakemonos à l’effigie du Père Noël et de multiples vrais « faux cadeaux » accrochés de ci de là. Belle ambiance. Une habitante, prénommée Anne, nous demande quelle randonnée nous allons parcourir. Il est vrai que ce bourg est réputé pour ses 24 heures de trail proposé mi-février, c’est vous dire que les cheminements ne manquent pas.

A la manière de Charles Perrault (1628-1703) dans les Contes de la Mère l’Oye, nous l’interrogeons sur le temps prévu :

Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?… de désagréable pour ce matin.
« Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie. »

Bien ! c’est encourageant, pas le moindre nimbus, qui comme chacun s’en rappelle signifie en latin : tempête de pluie. Mais quand même, un peu soucieux sur le déroulement complet de la journée, nous insistons.

Mais au loin que vois-tu ? 

Le Ciel qui rougeoie, le climat qui chaudoie et trois nuages noirs.
Le premier est une petite formation de cinq vaguelettes nommée Covid.
Le deuxième est très vaste et il se dilate, c’est la Mer.
Quant au troisième, il enfle, il enfle, c’est un oxyde, le CO2.

Merci beaucoup, nous ferons au mieux. Sac sur les épaules et espoir en bandoulière, nous démarrons notre périple. Nous respirons du froid mais ne tardons pas à nous réchauffer, la piste forestière grimpe doucement.

Ça dure un bon moment, nous passons le temps à papoter. Pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est les remarquables terres ocres et le petit lac et son camping attenant. Pas âmes qui vivent, seulement des chiens de chasse qui aboient et aident leurs maitres chasseurs à chasser la bête.

Virage à gauche toute et augmentation du pourcentage de la déclivité. Ça monte et ça glisse. Les pluies violentes dans la région érodent les sols jusqu’à la roche et découvre des dalles lisses, normalement une couche de terre très fine les recouvre. Le groupe respecte scrupuleusement le tracé pour ne rien aggraver. Notre principe général est de superposer, le plus possible, le Monde où l’on vit avec le Monde dont on vit. Le souffle est plus court, les discours suspendus, chacun attend la pause que Christine nous a promise à la rencontre d’une autre piste forestière.

La voilà. Repos, sacs à terre, j’en profite pour équilibrer l’isothermie de mon corps, une couche en moins fera du bien. Quelles calories ingurgitées aideront à la suite de la progression.

C’est doucettement que la petite troupe atteint la ligne de crête en forme de dos de chameau c’est-à-dire relativement plate avec deux sévères bosses : la Berco Petito (767 m) et la Berco Grando (761 m).

Jusqu’à présent, pas de paysages grandioses, notre marche s’est déroulée au milieu de forêts quelquefois remarquables car peuplées de majestueux cèdres. Au sommet de la première éminence, la vue ne se découvrait que vers le Bugarach et le massif enneigé des Pyrénées, insuffisant pour notre meneuse. Bien que nos montres affichassent midi et que nos estomacs criaient famine, reprise du chemin en descendant sévèrement. Nos bâtons sont d’un grand secours.

Heureusement, ce camélidé n’a que deux bosses, il est impensable de ne pas déjeuner au sommet de la suivante, l’espoir renait. C’est en nage, essoufflés, mais très heureux que le sommet est atteint et le magnifique paysage sur 360° découvert. Quelle salle à manger ! Comme d’habitude le repas est frugal mais le panorama mérite trois étoiles au guide des randonnées. 

Le temps ne nous presse pas plus que ça. Le groupe est de niveau homogène et le rythme soutenu permet de faire une petite sieste postprandiale au milieu des bouquets de thym, mais pas plus.

Lors d’un précédent compte-rendu, je m’étais permis de vous parler de principes qui ont fait que l’espèce humaine a perduré. Après la prise de nourriture le plus rapidement possible, l’homme doit aussi mélanger ses gènes et quelquefois l’heure de la sieste est favorable à ce partage. Mais ici, hélas, toute l’énergie est passée dans l’escalade du difficile relief et la décence du monde actuel apprécie une certaine intimité. Donc… ceinture !

Christine a dû se tromper de carte en nous proposant de descendre ce chemin de crêtes. Il doit s’agir du plan des traces de sangliers. Ils sont nombreux dans la région à la vue de cette magnifique bauge qui semble très fréquentée.

Plus direct tu meurs. La désescalade se fait au travers des ronces et arbustes épineux sur de minuscules layons connus seulement par les hordes de cochons sauvages. Trois longueurs et deux virages plus tard, la route forestière finale est atteinte, ce qui reste de nos jambes flagelle, vive le plat qui repose nos guibolles.

Heureusement, tête et jambes vont de pair, selon Henry David Thoreau (1817-1862). Je le cite : Au moment où mes jambes commencent à bouger, mes pensées commencent à couler, comme si j’avais donné de l’air au ruisseau à l’extrémité inférieure et qu’en conséquence de nouvelles fontaines s’y déversent à l’extrémité supérieure… D’où mon dialogue avec Anne.

Il est assez tôt, petite incursion vers le château éponyme du village et courte visite.

Plus difficile est la recherche du bistrot. Fermé à Couiza pour cause de Covid (confirmation du nuage précédemment cité), direction Limoux, capitale de la fameuse blanquette, il doit bien y avoir un débit de boisson ouvert.

Ci-fait, des bruits sortent d’une brasserie. C’est bon signe, le troquet est ouvert. Nos deux dames proposent de déguster une fougasse et un gâteau au chocolat. Ici, la cotation, par rapport au déjeuner de midi est inversée, la salle plus que bruyante est digne d’un bouge, cependant les pâtisseries valent des étoiles.

Ce sont avec des étoiles pleins les yeux que les deux voitures se séparent. Un grand merci à notre guide pour son choix de balade et qui, comme d’habitude, ne nous a pas perdu et aussi aux valeureux participants qui ont animés cette belle randonnée. On peut bien rigoler même si « seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose » Nietzsche (1844-1900).


Bonnes fêtes à tous, et à bientôt.

♦ R1 ♦