Le Chemin des Estives – Mont

Le Chemin des Estives – Mont

Ça y est, les confinements du stylo se terminent. Me revoilà derrière le clavier pour taper (avec plaisir) le compte-rendu de nouvelles sorties du CMC.

Ce dimanche 6 juin, le départ de notre boucle se situait dans le pays de Loudenvielle (65) et plus particulièrement au cœur du village de Mont. J’y reviendrais car ce petit village est très intéressant.

Il a fallu, pour respecter à la lettre, les consignes sanitaires en vigueur, quatre véhicules pour convoyer les 15 participants inscrits pour cette sortie proposée par notre ami Éric et co-encadrée par Christine. Tant pis pour la pollution, nous aurions pu, en temps normal, « passer » avec trois voitures. J’y reviendrai là aussi.

Il y a, me semble-t-il, deux types de lecteurs pour ces quelques lignes.

Aux premiers, ceux qui ont tapé une occurrence, sur un quelconque moteur de recherche, ayant trait à la montagne pyrénéenne et qui cherchent à se renseigner sur le parcours pour éventuellement le pratiquer, je leur dirais que cet itinéraire d’une dizaine de kilomètres avec un dénivelé d’environ 500 m est intéressant par beau temps. Qu’ils n’hésitent pas une seconde, ils seront ravis par le joli panorama sur les 3 000 m du luchonnais et le tracé des chemins clair et confortable. C’est une course classique. Il est bien de progresser sur la boucle dans le sens horaire et de terminer la montée en haut des estives avant le virage à droite, l’estomac vide. Restaurez-vous au sommet en contemplant la vallée de Loudenvielle et les sommets environnants, l’horizon aux fenêtres, le reste du monde ailleurs. Pour un guidage plus précis, taper : le chemin des estives. Bonne découverte.

Pour les seconds et vraisemblablement les adhérents du CMC, je me ferais plus précis plus anecdotique. Voilà ce que nous avons vécu.

D’abord un réveil de bonne heure, nous avions 165 km à parcourir, mais je me suis « levé de bonheur » avec la liberté recouvrée. À 7 heures, 10 dames et 5 messieurs embarquent dans les voitures.

Au départ, nous embobelinons marcheur et sac du mieux possible, une vilaine brume tombe et mouille insidieusement homme et matériel. Il serait dommage, les vacances pointant leur nez, de nous enchifrener. La météo sera cependant, aux dires des grenouilles spécialisées, en constantes améliorations alors pas question de démarrer à écorche-cul, en avant toute, nous avons la croyance du charbonnier.

Les contraintes sanitaires nous obligent à former deux groupes, 
au-delà de 9 personnes le virus est des plus virulent, alors nous obéissons.
 

Par définition, un marcheur marche et ce sont les jambes qui sont le plus sollicitées. Mais le cerveau peut quelquefois se poser des questions, car c’est bien connu : le cerveau a ses raisons que la raison souvent ignore. Nous sommes soumis à de nombreux déterminismes socioculturels. Alors, comment se constituent les groupes, découvrons ce qui pèse sur nos choix. Accrochez-vous à vos bretelles, c’est assez subtil. Il semblerait, que pour une majorité de personnes, ce qui est important c’est de marcher moins vite et moins longtemps mais plus que leur voisin, que marcher plus mais moins que leur voisin. Est-ce votre cas après réflexion ?

L’étique végétation hivernale a fait place en cette fin de printemps à la luxuriance. Les versants sud sont recouverts d’asphodèles. Une multitude de grassettes d’un joli bleu prolifèrent sur les talus humides aux bords des routes forestières. Attention aux doigts si vous les touchez, ce sont des fleurs carnivores ! Vu aussi de nombreuses autres variétés dont des vipérines, des saponaires…

Des marcheurs, un brin écologiste, voulant réaliser un petit geste pour la planète pour ne pas avoir honte de mourir sans avoir rapporté la moindre victoire pour l’humanité, décident de prélever par-ci par-là quelques spécimens de plantes autorisées. En plus de faire et de refaire le gazon de leur épouse, ils réjouissent abeilles et autres pollinisateurs en élargissant la variété des végétaux de leurs jardins.

Cahin-caha les deux groupes finissent par se rejoindre au sommet de la boucle sur les estives à l’heure du repas. Chouette, après nous ne ferons que redescendre. 

Des vautours fauves nous survolent, au loin nous apercevons un troupeau de chevaux. Les grasses estives régalent le bétail et nous après, pour peu que nous n’adhérions pas à la nouvelle religion : le véganisme.  

Nous redescendons mollement, plus de stress avec le couvre-feu à 21h.

Le troupeau d’équidés broute tranquillement sous l’œil vigilant d’un magnifique étalon très en forme. Et comme disait avec élégance feu Brassens :

Avec impudeur, ces piétonnières
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement ma mère
M’a défendu de nommer ici.

C’est alors qu’une envie pressante saisit une de nos marcheuses. La prairie ne regorge pas de petits coins discrets. S’aventurant vers les chevaux, elle ne s’aperçut pas que :

Tout à coup la prison bien close
Où vivait le bel animal
S’ouvre, on n’sait pourquoi, je suppose
Qu’on avait dû la fermer mal

Elle tournait le dos à la bestiole dans une bien mauvaise posture et ne le voyait pas s’approcher. Il est bien connu que le cheval à la vue basse mais l’odorat fin.

La suite serait délectable
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c’est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu
[…]
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux.

 

Cette histoire n’est pas si incroyable qu’il n’y parait car n’avons-nous pas appris au collège, en mythologie, qu’il régnait aux temps anciens des créatures mi-homme mi-équidé, les Centaures. Il existe aussi dans le monde animal d’autres chimères, aujourd’hui on parlerait plutôt de zoonoses. Notre amie a eu chaud, elle a bien fait de décamper.

Retour à Mont, nous passons devant un oratoire : Notre Dame des Victoires, petit monument du XVIe siècle dédié au climat. Le village de 38 âmes, situé à 1 157 m et bâti en balcon sur le flanc sud du pic de Cassay, vue imprenable sur la vallée du Louron, est magnifiquement entretenu. Les 2 groupes visitent la superbe église du village dédiée à Saint Barthélemy. Elle est d’ailleurs surnommée la chapelle Sixtine des Pyrénées aux vues de ses très belles peintures murales, c’est vous dire son intérêt. Le cimetière est aussi fleuri que la chapelle décorée.

Après ces moments de grâce qui nous ont réjoui l’Âme, place au Corps en partageant autour des tables installées sur la place un excellent clafoutis cuisiné par Christine. Tout le monde se remercie à un titre ou un autre : qui pour le choix du circuit, qui pour l’encadrement, la gentillesse, les encouragements qui ont fait que tout le monde est arrivé en pleine forme avec une envie de recommencer.

Juste un mot sur un dernier petit geste écologique : ne pourrait-on pas retrancher sur la participation au co-voiturage un peu d’argent qui serait calculé sur nos rejets de CO2 et reversé dans un fond ad hoc ?

Après la rando et la visite des lieux saints, laissons la conclusion à Paul Verlaine, avec un extrait du poème Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore.

Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin.
[…]
Et vraiment je ne veux pas d’autre Paradis
L1040487 copie