La Serra de Bedreda dans le Val d’Aran

La Serra de Bedreda dans le Val d’Aran

Pour le dimanche 8 juillet, notre animatrice avait concocté une randonnée de niveau 2, un programme prometteur pour des marcheurs entraînés… Jugez donc : une sortie pyrénéenne versant espagnol, un dénivelé soutenu de près de 1300 mètres, un circuit en boucle pour ne pas repasser 2 fois sur le même itinéraire, avec une variante niveau rando 1 pour les moins sportifs. 

Ce sont donc 6 randonneurs très motivés (2 dames et 4 messieurs) que se donnent RDV à 7h derrière la mairie pour prendre la direction du Val d’Aran. Peu après Sant Joan de Toran, nos deux véhicules sont stationnés sur un parking quasi désert donnant accès au Refugi dera Honeria.

Le ciel est dégagé, mais il fait déjà 18°C et la météo annonce des orages en montagne… pour la fin d’après-midi ! Le petit groupe ne tarde donc pas et dès 9h entame le sentier du fond de la vallée dont l’entrée est surveillée par le village de Canejan accroché à flanc de montagne situé à quelques kilomètres de la frontière.

Le GR 211grimpe doucement dans la forêt et le groupe des quatre randonneurs ayant opté pour la boucle (qui atteindra in fine 2300 mètres d’altitude) s’échauffe progressivement en marchant lentement pour ménager sa monture…

Nous alternerons les guides et serre-files pour nous adapter au rythme du marcheur le plus lent et emmener tout le monde vers l’objectif final. La grimpette s’effectue tout d’abord à l’ombre sous la futaie et dans l’ambiance sonore du torrent que nous devinons sans le voir.

Au sortir de la forêt – soudain à découvert – nous traversons des prairies non pâturées et l’itinéraire est balisé par de drôles de structures métalliques tordues par les forces de la montagne (vent, neige, éboulement… ?) témoin de l’ancienne activité minière du site (mines de Liat).

Le chemin trace ensuite un itinéraire en larges lacets, tantôt s’approchant tantôt s’éloignant des gorges profondes creusées par le torrent tumultueux et bruyant. Des parois minérales et abruptes nous dominent, des névés amènent de l’air frais. Le torrent sculpte de véritables ponts de neige, mais pas question de les emprunter, ils sont si minces en cette saison estivale qu’ils cèderaient probablement sous le poids des marcheurs.

Vers 2000 mètres l’ambiance change : si la neige est encore présente sur les parois rocheuses du cirque glaciaire, les versants sont fleuris et verdoyants, les lacs et laquets forment un dédale dans un paysage grandiose.

Le temps se maintient jusqu’au point culminant de notre randonnée : le col de Guerri (2300 m) que nous atteignons à 12h30 pour les deux premiers randonneurs et à 13h pour les 2 autres. Nous sommes au pied du Tuc d’Ermer (2425 m) dont nous aurons fait le tour en fin de circuit.

Le panorama est à couper le souffle : le Crabère, sommet ariégeois que nous connaissons si bien du côté français, offre au regard une paroi rocheuse verticale étonnante côté espagnol : il est érodé de couloirs parfois encore enneigés et vertigineux sur sa face sud. Il est déjà chapeauté par les nuages.

Repas vite avalé sans s’attarder pour une sieste, les 4 randonneurs filent vite vers la descente, car le temps se couvre rapidement et se rafraîchit très sensiblement BBBrrr !

Après un message vocal envoyé par talkie-walkie aux 2 randonneurs ayant emprunté l’autre itinéraire que nous devons effectuer en sens inverse, nous repartons.

L’itinéraire de descente n’est pas très clair et doit emprunter quelques névés dont l’un d’eux fera l’objet de glissades, car un peu trop convexe pour rester accroché à son flanc, heureusement que la réception plutôt herbeuse n’est pas dangereuse ! Nos arrière-trains s’en souviennent encore…

Un grand lac sombre où plonge une paroi verticale est contourné sagement par le petit groupe qui évite prudemment les barres rocheuses. Un peu plus bas, à notre passage une marmotte essaie son sifflet d’alerte puis retourne se mettre bien au chaud dans son terrier. Hormis un couple de randonneurs français, nous n’avons pas fait d’autres rencontres depuis notre départ.

Le sentier de descente dont nous retrouvons le balisage blanc et rouge trace ensuite des lacets au-dessus d’une paroi vertigineuse d’où dégringolent de hautes cascades. La paroi est couverte d’une végétation en pleine floraison : rhododendrons rouges, renoncules jaunes, gentianes bleu sombre, œillets écarlates, fleurs blanches méconnues, ancolies violettes et même une station entière de lys des Pyrénées… forment une véritable mosaïque de couleurs.

Au bas de la falaise à proximité d’une cascade, nous traversons le pont de bois remplaçant un vieux pont de pierres sèches hélas écroulé, là même où nos 2 marcheurs ont fait demi-tour. 800 mètres de dénivelé plus bas nous les retrouvons avec plaisir. 

Jean-Pierre nous raconte leur randonnée :

Une première, plus dans l’organisation que dans la découverte de ces sommets. Depuis les 50 ans d’existence du CMC, y a-t-il encore des endroits non explorés ? Christine, notre leader du jour, a eu comme idée de proposer cette boucle comme randonnée le jeudi précédent aux membres présents à la réunion. Cependant…

Quinze jours auparavant, nous avions reconnu pour partie le parcours ce qui lui a permis d’ouvrir la sortie à deux niveaux. Pour le plus facile de la boucle, qu’elle me chargea d’encadrer, il s’agissait de parcourir depuis le départ commun du refuge Dera Honeria situé à 1050 mètres d’altitude à l’entrée du Val d’Aran, 700 mètres de dénivelé pour arriver à la cote de 1750 mètres et d’attendre le deuxième groupe fort de 4 personnes chevronnées dont Éric qui vous a raconté par le menu son vécu.

Voilà les minutes de notre excursion de dimanche.

Nous n’étions que deux. Malgré ce faible effectif de marcheurs et même s’il est bien connu que le nombre fait l’ambiance, plus on est de f… plus on rigole, Yolande et moi ne nous sommes pas ennuyés une seule seconde.

Pour qui sait écouter, observer, la montagne est un excellent livre de découvertes et d’échanges.

Au bout de ces quelques heures passées ensemble, de grands pans de vie de chacun avaient été dévoilés chemin faisant. La parole libère et fait du bien ce n’est pas le moindre des bienfaits du partage de l’effort.

Nous marchions sur l’Histoire comme bien souvent sans le savoir. Il s’agit ici des restes de vie due à l’exploitation minière du gisement de zinc et de fer du Llat. Nous avons emprunté d’anciens chemins sur lesquels des bœufs tiraient des carrioles de minerais. Nous devinions encore leur emprise, mais ils se refermaient depuis leurs créations, il y a une centaine d’années. Cependant ils offraient une progression aisée grâce à la sueur des tâcherons de l’époque.

Peu me chaut de vous raconter par le menu notre parcours, il y a des mémos ou des sites pour cela. Comme partout, en montagne, ça monte plus ou moins, ça tourne à droite, à gauche et arrivé à la cible ça descend et ça retourne à gauche et à droite cette fois.

Par contre, pestant contre mon ignorance botaniste, j’aurais aimé vous nommer les innombrables fleurs rencontrées et leurs si jolies couleurs. En voici quelques-unes : le superbe jaune des grandes gentianes, le blanc des asphodèles, le rouge des rhododendrons, le rose des œillets sylvestre, des orchidées et des digitales, le violet des ancolies, le bleu des campanules… J’ai même trouvé « un nid » de muguet à peine défleuri à 1600 m. Toutes ces plantes resplendissaient de couleurs ou de parfums pour attirer leurs pollinisateurs. Avec un torrent encore impétueux au milieu de cette végétation, nous admirions un vrai Éden que seule la nature sait nous offrir. Nos efforts étaient largement récompensés et nous ne nous lasserons jamais de cette splendeur.

N’étant pas plus averti en entomologie, je ne pourrais, ici aussi, vous énoncer par le menu les innombrables insectes rencontrés, à part bien sûr, les plus gênants : les redoutables taons et leurs douloureuses piqures, ainsi que les dangereuses tiques.

Vu cependant des vaches, mais pas de moutons. Moutons, vous avez dit moutons… Et si comme dans le Petit Prince de Saint-Exupéry il me fallait non pas dessiner un mouton, mais un randonneur en me servant de ce compte rendu, qu’en serait-il ?

Dessinateur contrarié, comme le célèbre auteur, mon bonhomme aurait deux énormes jambes pour bien marcher, de grosses oreilles pour bien écouter, de bons yeux pour observer et volontairement peu de cerveau, car nous avons privilégié l’Ici et Maintenant en évitant des réflexions par trop philosophiques et déstabilisatrices. Ne désirer pas plus que ce que l’on éprouve sur le moment. Nous nous sommes ressourcés en évitant de ruminer… comme les vaches. Évitons de broyer du noir pour voir la vie en rose même si ce n’est que l’espace d’un dimanche.

Voilà un excellent moment passé ensemble dû à l’union plénière du Civilisé avec la montagne sauvage. Cependant en quittant ces endroits bénis, n’oublions pas de laisser deux choses : premièrement, Rien, pas le moindre déchet et deuxièmement nos remerciements à la Nature, car nous savons qu’elle est toujours accueillante, qu’elle nous ne rejettera jamais.

Nous terminons notre échappée par le pot de l’amitié dans une auberge à Canejan en partageant une boisson et des gâteaux. Nous remercions chaleureusement Christine pour son choix fort judicieux et son professionnalisme dans l’accompagnement.