Le Pic du Han

Le Pic du Han

Comme chaque fois que je dois rédiger un compte rendu, je suis devant cette feuille blanche aux prises avec quelques idées, des phrases incohérentes. Je cherche le mot accrocheur, le substantif qui retiendra l’attention du lecteur, j’essaie de perfectionner l’exorde. Quoi de mieux que de parler de bonheur, ça ne peut faire que du bien. Récemment j’avais écrit que pour tenter de l’atteindre qu’il ne fallait pas désirer plus que l’on ressentît lors de nos sorties. J’ai trouvé, lors de mes lectures, un magnifique quatrain (ici légèrement bricolé) d’un de nos académiciens, François Cheng, qui décline avec brio cette idée :  

Ne quémande rien. N’attends pas.
D’être un jour payé de retour.
Ce que te donne la Montagne trace une voie
Te menant plus loin que tes pas.

Neuf cémécistes, par ce beau temps annoncé, sont au départ pour une randonnée en direction du pic du Han, 2074 m, dans le massif de Tabes par le village de Senconac (Ariège). En cette période, de vacances d’hiver, malgré le manque flagrant de neige, il vaut mieux éviter le flot des skieurs et les embouteillages qui vont avec. C’est donc, après avoir quitté la double voie à Mercus Garrabet et emprunté la route sinueuse de la Corniche que nous arrivons sur le minuscule parking avant Senconac (918 m). Il fait anormalement doux. Malgré l’altitude du Pic convoité, nous évitons de « promener les raquettes » mais par mesure de sécurité nous embarquons dans les sacs les crampons. Alain, notre guide du jour, après renseignements auprès du PGHM, attend la présence de névés gelés en finale d’ascension. 

Le départ se fait de Senconac au niveau du lavoir. Peu après, le chemin bifurque avec un panneau indiquant le pic du Han. On ne peut pas rater ce sentier confortable qui est très bien cairné. Il en sera ainsi jusqu’à la jasse de l’Estagnolette (1592 m) car d’étang, il n’y en a plus, il est quasiment comblé.

Entre temps, après une heure et quart de marche, nous atteignons une petite cabane un peu à l’abandon : la cabane du Pas de Crabe. Elle n’est pas très accueillante mais dispose d’une cheminée, d’une petite table, de deux chaises et d’un bas flanc avec pour matelas un lit de fougères séchées. Bonne nuit ! Nous y croisons deux personnes accompagnées de deux chiens. Un, leur appartenant, l’autre, une adorable « demi beauceronne » décide de nous accompagner. Elle se choisira JR comme maître et lui fera des joies. Cette chienne sans nom aiguaya notre randonnée en n’hésitant pas à sauter dans les trous d’eau, en glissant sur les névés, en jouant avec des morceaux de bois… 

Après la sortie de cette tourbière, nous rentrons dans le dur. L’objectif est parfaitement clair sous le ciel bleu et la chaleur, le col se devine, il n’y a plus qu’à mettre un pied devant l’autre dans le gyspète. Le manque de neige n’a pas forcé la végétation à la modestie. Je souhaiterais y accéder en raquettes sur une neige gelée mais égale en relief, ce serait plus commode. Des petits groupes se forment et progressent à leurs rythmes sur de ténues traces d’animaux et toujours le fameux paradoxe de Tocqueville qui se démontre en cette fin de progression exigeante : plus on se rapproche de l’objectif, plus la distance parait insupportable. Les encouragements des copains sont précieux et efficaces.

Enfin, tant bien que mal pour certains, dont votre serviteur, nous atteignons notre objectif : le col du Han. Le groupe se partage, il est 12h30, cinq et demi (avec la chienne sans nom) de nos camarades décident de poursuivre et d’ascensionner le pic du Han libre de neige, les quatre autres ouvrent les sacs et déjeunent confortablement au soleil. Vu un magnifique gypaète parcourant, en planant, son domaine à la recherche de sa nourriture. Je laisse la parole à Alain pour vous narrer dans le détail cette partie et énumérer les sommets formant un majestueux panorama. 

Donc nous voici au COL DU HAN (1920 m), un petit groupe reste là à l’abri d’une petite brise, au soleil. Un petit vent nous accueille, la pente se redresse sur cette crête dépourvue de neige.

Nous serons cinq à poursuivre notre itinéraire, non je me trompe six, car nous sommes toujours accompagnés par notre chienne depuis la cabane. Il nous faut nous munir de nos piolets car le sentier est recouvert par endroits de « gispet », donc prudence car quelques petites plaques de glace s’y cachent.

Allez, un dernier petit effort et nous voici au sommet DU PIC DU HAN (2074 m). Panorama 360° fabuleux de LA DENT D’ORLU au MONT VALIER en passant par les 3000 m ARIÉGEOIS, malgré un soleil voilé par des nuages d’altitude. Il est l’heure de prendre notre repas. A nos pieds la station de ski DES MONTS D’OLMES, cruellement en manque de neige…

Après une petite heure passée au sommet, il nous faut rejoindre nos amis au col mais ils ont commencé la descente, nous les rattrapons avant l’étang (tourbière) de L’ESTAGNOLETTE. Nous serons accompagnés par notre chienne d’un jour jusqu’au village.

Retour aux voitures vers 17h30. Je pouvais deviner sur les visages un sourire radieux après cette magnifique journée de randonnée, l’hypothèse du bonheur cité au début peut-être. Malgré la pensée de Pascal qui soulignait que le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas demeurer en repos dans une chambre, il est à reconnaitre qu’il est bon de rêver et surtout de découvrir, grâce à notre club et la compétence des organisateurs, de superbes horizons où l’on apprend grâce à l’effort, à se découvrir, à se connaitre et à trouver sa place dans ce monde difficile.

Encore quelques kilomètres, de nombreux virages sur la route de la Corniche et le bonheur de se retrouver attablé devant une collection de gâteaux maison et une boisson. Merci aux cuisiniers-ères pour leurs délicieuses collations, à Alain pour son dynamisme et sa compétence d’animateur, aux photographes qui sauront traduire en images le plaisir ressentit lors de cette magnifique journée, au groupe en général pour l’aide et à la petite chienne qui nous a tant fait rire et oublier momentanément nos déconvenues musculaires. 

A bientôt sur les chemins. 

En résumé, une belle randonnée qui demande des efforts pour le sommet (1150 m de dénivelé positif) mais quelle récompense, en haut rien n’est plus beau !!! Vu des rapaces (gypaètes ou vautours ?) hauts dans le ciel bleu…